Responsabilités juridiques de l’employeur

En matière de sécurité, l’employeur est tenu, à l’égard de ses salariés, à une obligation de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés. 

Si l’employeur envisage de recourir à du travail isolé, il doit alors le prendre en compte dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels. 

L’évaluation des risques professionnels doit conduire à l’identification et à l’analyse des postes concernés par le travail isolé. Pour cette démarche, tous les éléments susceptibles de menacer la sécurité du salarié isolé sont à prendre en considération (durée de l’isolement, dangerosité du poste, état de santé du travailleur isolé, etc.).  

L’identification et l’analyse des situations de travail qui peuvent combiner un danger avec une situation d’isolement doivent être menées méticuleusement pour être précises.  

À ce sujet, on ne saurait assez rappeler aux employeurs qu’ils ne doivent pas se contenter de relever les situations de travail où la combinaison danger/isolement est à la fois récurrente et permanente. Il s’agit au contraire de dénicher toutes les situations où la combinaison danger/isolement est possible.

Pour bien comprendre cette nuance, prenons l’exemple d’une archiviste qui évoluerait au sein d’une équipe. À première vue, son travail ne semble pas dangereux et elle travaille avec des collègues. Donc on pourrait comprendre que son employeur s’interroge avant de la ranger dans la catégorie des travailleurs isolés, qui nécessitent des mesures de prévention spéciales. 

Mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu’elle a déjà été victime d’un malaise cardiaque et donc qu’elle présente des risques de récidive importants. Que le bâtiment dans lequel elle évolue est tellement vaste qu’il lui arrive de se retrouver seule, au milieu de ses rayons d’archives. Et enfin que pour classer les documents dans les rayons situés à trois mètres de hauteur, elle passe une bonne partie de son temps, perchée sur un escabeau, avec des livres pleins les bras.

En cas d’accident, son environnement de travail sera analysé dans les moindres détails et si la combinaison danger/isolement est considérée comme un facteur déclencheur ou aggravant, la responsabilité pénale de son employeur sera engagée pour manquement à son devoir de protection vis-à-vis d’un travailleur isolé. 

Pour bien aborder cette question, il est important que l’employeur comprenne la logique qui a permis de définir le cadre légal de la protection du travailleur isolé.

Au point de départ de ce cadre légal, il y a les 2 recommandations de la CNAMTS suivantes :


La recommandation R-252
 : « Il est recommandé aux chefs d’entreprise de respecter les règles ci-après concernant la protection des travailleurs isolés » :

1° De dresser dans chaque établissement ou chaque chantier, la liste des postes de travail présentant simultanément les deux caractéristiques suivantes : être isolé, présenter un caractère potentiellement dangereux ou être essentiel à la sécurité du reste du personnel.

2° Faire en sorte que les postes de travail ainsi recensé puissent faire l’objet d’une surveillance directe ou indirecte de jour comme de nuit : soit établir un système de ronde, soit mettre à disposition du personnel isolé, les moyens de télécommunication adéquats assurant sa liaison avec le poste de soins d’urgence de l’établissement ou tout service public spécialisé (pompiers, SAMU, etc.). 

Par cette mesure, il s’agit en fait de rompre l’isolement du poste en donnant les moyens au travailleur concerné d’obtenir des secours si besoin est. 

La Recommandation R-416 : « Le travail est considéré comme isolé lorsque le travailleur est hors de portée de vue ou de portée de voix d’autres personnes et sans possibilité de recours extérieur et que le travail présente un caractère potentiellement dangereux. »

Ces 2 recommandations de la CNAMTS n’ont pas de valeur juridique directe. En revanche, elles donnent aux juges des éléments qui leur permettent d’analyser une situation impliquant un travailleur isolé. 

À ce sujet, il est important de souligner que dans tous les cas où un employeur a été condamné pour manquement à son devoir de protection vis-à-vis d’un travailleur isolé, ces recommandations ont été mises en avant par les juges pour justifier leurs sanctions. 

Ainsi ce qu’il faut retenir de l’apport des recommandations de la CNAMTS dans la mise en place d’un cadre légal du travail isolé est double :

– Elle a établi une définition communément admise du travailleur isolé : un travailleur hors de portée de vue ou de voix.

– Elle a établi l’importance de donner à ces travailleurs, les moyens d’alerter les secours pour répondre à toutes les situations possibles de détresse. 

Le cadre légal du travail isolé est ensuite défini par le Code du travail qui, contrairement aux recommandations de la CNAMTS, a une valeur juridique directe. 

Dans la version la plus récente du Code du travail, il existe 21 articles qui abordent de façon directe ou indirecte, la question de la sécurité du travailleur isolé.

Avant de rentrer dans le détail de ces 21 articles, essayons d’abord de comprendre leur logique globale et ce qu’ils impliquent en termes d’obligation légale pour l’employeur. 

Tous ces articles sont inscrits dans la quatrième partie du Code du travail qui rassemble les dispositions relatives aux questions de santé et de sécurité au travail. 

Cette partie commence par énumérer les obligations de l’employeur en matière de principes généraux de prévention à travers 5 articles :

Chapitre Ier : Obligations de l’employeur. (Articles L4121-1 à L4121-5)

Aucun de ces articles ne fait clairement référence au travailleur isolé, mais tous rappellent à l’employeur son obligation d’identifier tous les risques possibles, de les combattre à la source et de tenir compte de l’évolution de la technique pour les prévenir et garantir ainsi, le meilleur niveau de protection possible en termes de santé et de sécurité. 

Ces 5 articles balisent le cadre de l’obligation générale de sécurité qui oblige les chefs d’entreprises à mener une politique ambitieuse et performante en termes de prévention des risques.

Vis-à-vis du travail isolé, ces articles indiquent clairement à l’employeur son obligation d’identifier les situations d’isolement comme risque possible. De combattre le risque à la source c’est-à-dire de mettre en place des mesures de prévention le plus en amont possible. Enfin, de tenir compte de l’évolution de la technique, c’est-à-dire de suivre l’évolution des offres de solutions PTI/DATI pour essayer de toujours mieux prévenir le risque d’isolement.  

Après cette série d’articles, vient ensuite la partie concernant les obligations de l’employeur en matière d’information et de formation des travailleurs aux questions de sécurité :

Section 1 : Objet et organisation de l’information et de la formation à la sécurité (Articles R4141-1 à R4141-10)

Là encore, aucun de ces articles ne fait clairement référence au travail isolé, mais tous rappellent à l’employeur son obligation de former les travailleurs à la conduite à tenir en cas d’accident et de définir des mesures de prévention en fonction des risques possibles. 

Le travail isolé est un risque identifiable, donc si l’employeur veut respecter ces articles, il doit donner à ses salariés concernés, les moyens d’alerter les secours en cas de détresse et les avoir formés sur le protocole à suivre en pareille situation. 

Après cette série d’articles, vient la partie sur la sécurité des lieux de travail et notamment la question du matériel de premier secours et secouristes : 

Chapitre IV : Sécurité des lieux de travail :

Section 3 : Matériel de premier secours et secouriste (Articles R4224-14 à R4224-16)

Cette série d’articles est très importante car elle rappelle à l’employeur son obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer les premiers secours aux accidentés et aux malades. Ces mesures qui sont prises en liaison notamment avec les services de secours d’urgence extérieurs à l’entreprise sont adaptés à la nature des risques. Ces mesures sont consignées dans le DUER, tenu à la disposition de l’inspecteur du travail. 

En matière de premiers secours aux accidentés et aux malades, la loi impose un protocole de mesures adapté à la nature du risque. 

Or, en situation de travail isolé, nous savons que la question du déclenchement de l’alerte est un point critique à résoudre. L’employeur a donc l’obligation de trouver une solution efficace pour alerter les secours en cas de détresse malgré l’isolement.

Après cette série d’articles, vient la partie sur la question des équipements de protection individuelle :

 Sous-section 3 : Équipements de protection individuelle (Articles R4311-8 à R4311-11)

Titre II : Utilisation des équipements de travail et des moyens de protection (Articles R4321-1 à R4321-5)

Sous-section 3 : Dispositifs d’alerte et de signalisation (Articles R4324-16 à R4324-17)

Cette série d’articles vient rappeler à l’employeur son obligation d’équiper ses salariés en équipements de protection individuelle efficaces et adaptés aux risques potentiels.

Ainsi, concernant le travail isolé, ces articles font référence aux solutions DATI qui sont des équipements de protection individuelle qui permettent de répondre à la question du déclenchement de l’alarme en direction des secours en cas d’accident. 

Tous les articles, que nous venons de voir, définissent des obligations générales auxquelles l’employeur de travailleurs isolés devra répondre de façon spécifique pour prévenir le risque d’isolement.

Mais concernant les travailleurs isolés, le Code du travail va plus loin, puisqu’il leur accorde 2 articles pour exposer des obligations qui leur sont exclusivement consacrées :

Livre V : Prévention des risques liés à certaines activités ou opérations

Section 4 : Travail isolé : (Article R4512-13 En savoir plus sur cet article…)

« Lorsque l’opération est réalisée de nuit ou dans un lieu isolé ou à un moment où l’activité de l’entreprise utilisatrice est interrompue, le chef de l’entreprise extérieure intéressé prend les mesures nécessaires pour qu’aucun travailleur ne travaille isolément en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d’accident. »

Section 5 : Travailleurs isolés : (Article R4543-19 En savoir plus sur cet article…)

« Un travailleur isolé doit pouvoir signaler toute situation de détresse et être secouru dans les meilleurs délais. »

Ces 2 articles rappellent de façon très claire à l’employeur de travailleurs isolés, son obligation de répondre efficacement aux questions du signalement de toute situation de détresse et de l’arrivée des secours dans les plus brefs délais. 

Le Code du travail doit être étudié minutieusement par les employeurs car il énumère les dispositions législatives et réglementaires qui détermineront les procédures en contentieux devant les juridictions civiles ou pénales.

En cas de manquement à une seule de ces obligations, la responsabilité civile de l’employeur peut être engagée pour faute inexcusable. En effet, ce dernier est tenu envers le salarié d’une obligation générale de sécurité qui est qualifiée d’obligation de résultat. Le manquement à cette obligation revêt le caractère inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La conscience du danger concernant le travail isolé sera appréciée au cas par cas par le juge.  

En cas de manquement à son obligation de sécurité, l’employeur pourra également voir sa responsabilité pénale engagée sur le fondement du Code pénal, notamment pour blessures ou homicide involontaire. Lorsque l’intégrité physique du salarié a été atteinte, la victime (ou ses ayants droits) pourra décider d’engager la responsabilité pénale de l’employeur. 

Si la responsabilité civile entraîne la réparation des préjudices subis par des victimes de maladies professionnelles et d’accidents du travail, notamment par l’octroi de dommages et intérêts, la responsabilité pénale, quant à elle, conduit à la condamnation du responsable à une peine d’amende et éventuellement à une peine d’emprisonnement, qui visent à punir l’auteur de l’infraction aux règles de santé et sécurité du travail.

La responsabilité pénale suppose l’identification d’une personne responsable : c’est sur le chef d’entreprise, du fait de ses fonctions de direction (pouvoir de décision et autorité), que pèsent les obligations édictées par le Code du Travail et c’est lui qui pourra être poursuivi. 

L’infraction peut être qualifiée de délit ou contravention (délit d’homicide involontaire, délit de mise en danger d’autrui, contravention de blessure involontaire …), cela dépend à la fois de la gravité des faits à l’origine des dommages corporels, mais également des conséquences de ces faits.

Infractions

Sanctions

Simple imprudence

Violation manifestement délibérée

Atteinte à l’intégrité sans incapacité de travail.

Amende (contraventions de 2e classe)

Amende (contravention de 5e classe)

Incapacité de travail inférieure ou égale à 3 mois.

Amende (contravention de 5e classe)

1 an d’emprisonnement, 15 000 €

Incapacité de travail supérieure à 3 mois.

2 ans d’emprisonnement, 30 000 €

3 ans d’emprisonnement, 45 000 €

Homicide involontaire.

3 ans d’emprisonnement, 45 000 €

5 ans d’emprisonnement, 75 000

3.1.3 Jurisprudence en matière de travailleurs isolés accidentés

Quelques exemples de condamnations de chefs d’entreprise par les tribunaux, suite à des accidents impliquant des travailleurs isolés : 

L’arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 2000 (pourvoi n°00-82-108) confirme la condamnation d’un chef d’entreprise pour homicide involontaire à la suite d’un accident mortel dont a été victime un travailleur considéré comme “isolé”.

Le 9 avril 1993, un salarié chargé de changer les essieux des wagons, a eu la tête écrasée entre les tampons de deux wagons. 

Les juges ont notamment relevé que le poste de ” training ” occupé par la victime était particulièrement dangereux pour un homme seul, demeurant hors de vue du chef de manœuvre, sans moyen de communication entre eux. Ils ont également estimé que, faute d’avoir assuré la sécurité de ce poste de travail, le prévenu a commis une faute personnelle à l’origine de l’accident. Le dirigeant a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et à une amende de 50 000 francs. (Source : Cour de cassation, chambre criminelle, Audience publique du mardi 5 décembre 2000 ; N° de pourvoi : 00-82108).

L’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2008 (pourvoi n°08-81995) confirme en tout point la décision de la cour d’appel de Lyon, qui avait condamné le chef d’une entreprise de maintenance, pour homicide involontaire et pour manquement à son “obligation d’assurer la sécurité de ses salariés isolés pendant l’exécution des travaux effectués dans une un établissement par une entreprise extérieure », prévue par l’article R4512-13, du code du travail”.  

L’affaire jugée était celle d’un technicien frigoriste, salarié d’une société de maintenance, décédé alors qu’il intervenait seul dans la chambre froide d’un magasin où il a été retrouvé inanimé. L’expertise a révélé que le décès était imputable à une intoxication au gaz fréon.

Les juges ont relevé qu’au regard de l’article R4512-13 du Code du travail, la distance n’est pas le critère unique déterminant de l’isolement, celui-ci incluant aussi les cas où le salarié ne peut avertir les secours lui-même, et qu’un salarié qui travaille dans un lieu où il est seul doit être considéré comme isolé s’il n’est pas à portée de la vue et de l’ouïe d’autrui. 

Les juges ont ajouté que le technicien travaillait seul, à l’intérieur d’une chambre à température régulée, sans fenêtre, dont la porte, seulement entrouverte, représentait un obstacle à la vision et que la victime ne pouvait espérer qu’un secours aléatoire en cas d’accident. 

Les juges en ont déduit que l’absence de mesures de prévention particulières a constitué une violation manifestement délibérée de la loi ou du règlement, par laquelle le prévenu a causé involontairement la mort du salarié. 

Suite à cet accident, la responsabilité du chef d’entreprise a été recherchée pour homicide involontaire et infractions à la réglementation relative à l’hygiène et à la sécurité.

Il a été condamné 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 3.750 euros d’amende. (Source : Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 2008 n°08-81995). 

L’arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2020 (pourvoi n°19-13.508) est particulièrement intéressant puisqu’il vient rappeler l’obligation de résultat de l’employeur en termes de sécurité et de protection du travailleur isolé. 

Voir  https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042551974 

Nous sommes ici dans le cas d’un employeur qui, alors qu’il avait pourtant bien équipé ses travailleurs isolés d’un DATI, a été mis en cause pour manquement à son obligation de résultat. En effet, suite au déclenchement d’une alerte SOS par un employé victime d’un AVC, la chaîne de secours a été rompue puisque l’alerte n’a pas été traitée correctement ! Le SOS a été déclenché à 9h29 et les secours ne sont intervenus qu’à 12h45 soit 3h30 après l’AVC… La Cour évoque donc logiquement de graves défaillances dans la mise en ouvre du dispositif de secours pour rechercher la faute inexcusable de l’employeur. De cet arrêt de la Cour de cassation, il faut retenir qu’équiper ses travailleurs isolés d’un DATI n’est bien évidemment pas suffisant : il faut aussi s’assurer en amont que toute la chaîne de secours est toujours pleinement opérationnelle et que tout alerte sera immédiatement traitée. Pour cette raison, GEOSECURE propose des DATI accompagnés d’outils de diagnostic en temps réel continu de leur bon fonctionnement technique et une téléassistance qui gère toute alerte en temps réel avec une prise en compte de toute alerte sous moins de 15 secondes, une levée de doute immédiate et l’envoi des secours dans les meilleurs délais possibles 24h/24 et 7j/7. 

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